Interview Laurent Sroussi, directeur du Théâtre de Belleville

le Tambour royal, théâtre douillet mais vieillot n’est plus. À sa place est né le Théâtre de Belleville, spacieux, moderne, confortable et beau. Son directeur, Laurent Sroussi, est animé d’une ambition artistique et d’un amour du théâtre qui font plaisir à entendre. Nous lui avons tendu le micro.

Les Trois Coups. — Comment en êtes-vous arrivé à reprendre le Tambour royal pour en faire le Théâtre de Belleville ?
Laurent Sroussi. — Oh, c’est toute une histoire.
Les Trois Coups. — Vous étiez comédien.
document
Laurent Sroussi. — J’étais comédien. Et avant ça, j’ai eu une autre vie. J’ai travaillé sur les marchés financiers de 1991 à 2004, pendant treize ans, donc, surtout à l’international pour l’Asie. J’ai vécu à Honk-Kong, à Tokyo, à New York. Ce qui m’a permis de bien gagner ma vie, puis de pouvoir changer de trajectoire à un moment donné. J’avais un petit peu d’argent, le Tambour royal était à vendre, je n’ai pas hésité, j’ai foncé. Depuis toujours, je voulais devenir comédien, ce que j’ai fait en 2004. À cette époque, j’ai eu la chance d’entrer dans l’école de Claude Mathieu, qui est un homme remarquable. J’ai une grande estime pour lui. Et puis, j’ai commencé à travailler comme comédien, et puis je me suis très vite rendu compte que c’était assez difficile, pour ne pas dire horrible de travailler sur Paris. Donc, c’est à ce moment-là que j’ai eu envie d’avoir un lieu à moi, au départ pour pouvoir y travailler et y monter des spectacles.
Les Trois Coups. — Vous l’avez perdu de vue, cet objectif de départ ?
Laurent Sroussi. — Je ne sais pas. Avec une structure légère, comme l’est aujourd’hui le Théâtre de Belleville, je n’ai pas le temps de faire autre chose que de gérer l’accueil, la gestion, la programmation, la pub.
Les Trois Coups. — Vous avez fait d’énormes travaux. On se croirait presque dans une salle de projection.
Laurent Sroussi. — Oui, c’est très important pour moi. On a tout fait pour que le lieu soit confortable. On a essayé de mettre toutes les chances de notre côté. Le plateau déjà. On a complètement changé l’espace scénique par rapport à avant. On a remonté le cadre de scène.
Les Trois Coups. — Je me souviens qu’avant, il n’y avait pas de cintres.
Laurent Sroussi. — Non, il y avait une poutre. Donc, c’était très bas. On avait deux mètres soixante. Et donc, nous, ce qu’on a fait… On a cassé et tout remonté jusqu’à cinq mètres au-dessus du plateau, qui maintenant est très agréable. Ça, c’était la première chose : avoir une scène la plus grande possible. Après, il y avait la salle, et là, on a pris les fauteuils les plus confortables pour les spectateurs. On a cherché aussi à optimiser leur installation, donc on a fait des vrais gradins, pour que tout le monde puisse voir. Et puis on a mis la climatisation, on a refait toute l’électricité, tout remis aux normes.
Les Trois Coups. — Vous pouvez espérer une aide quelconque de quelqu’un dans ce domaine ?
Laurent Sroussi. — Pour l’instant non, mais il y a des aides qui sont accordées avec une participation de la ville de Paris et de l’État, donc on leur a soumis un dossier et on espère qu’il aura une suite. On a, par ailleurs, de très bons rapports avec la D.A.C. (Direction des affaires culturelles de la ville de Paris), l’équipe de Noël Corbin qui aime beaucoup le projet, parce que c’est vrai qu’on a une programmation qui se rapproche plus du théâtre public.
Les Trois Coups. — Comment cela ?
Laurent Sroussi. — J’ai envie de la bâtir sur deux axes. J’aimerais défendre un théâtre qui ait une dimension poétique et jubilatoire. Par poétique, je n’entends pas forcément quelque chose d’éthéré, mais où il y ait une recherche de transformation, de sublimation du réel. Une envie de créer de la beauté tout simplement, et qui emmène les spectateurs dans un autre univers que le leur habituel. Par exemple, un spectacle qu’on va faire venir la saison prochaine, que vous avez peut-être vu à Avignon, c’est la Giganthéa, je ne sais pas si vous l’avez vu.
Les Trois Coups. — Non.
Laurent Sroussi. — C’est du théâtre d’objets. La compagnie s’appelle Les Trois Clefs. Il n’y pas de texte, et c’est juste magnifique. Ça raconte l’histoire des enfants soldats, avec une vraie dramaturgie, une superbe scénographie, de belles lumières. Tout le contraire de l’esbroufe.
Les Trois Coups. — Vous accordez néanmoins beaucoup de place aux textes.
Laurent Sroussi. — Oui, j’ai une préférence pour le théâtre de texte. Même si, encore une fois, ce n’est pas mon seul critère de choix. N’empêche, demain nous démarrons Tout le monde veut vivre de Hanokh Levin, qui est une création, et ensuite nous avons En ce temps-là l’amour… de et par Gilles Segal, tous deux de grands textes. Ce dernier spectacle sera en outre un évènement, Gilles Segal est un immense acteur, au sommet de son art. C’est un monsieur qui a quatre-vingt-deux ans. Et il est juste là. Cet homme vous colle au siège pendant une heure et quart avec une simplicité, une évidence… C’est bouleversant.
Les Trois Coups. — Vous envisagez de produire des choses ?
Laurent Sroussi. — Quand je le pourrais, pourquoi pas. Pour l’instant, je me contente de prendre des choses en coréalisation, sans minimum garanti. Ce qui est déjà une rareté. On n’est que deux à faire ça dans Paris : Le Lucernaire et nous. Et de suivre des gens que je connais, de leur faire confiance, en programmant par exemple des spectacles que je n’ai pas vus, puisque ce sont des créations. Ce qui est un très gros risque.
Les Trois Coups. — Un mot en conclusion ?
Laurent Sroussi. — Venez.
Propos recueillis Par Olivier Pansieri – Les Trois Coups.com

Théâtre de Belleville • 94, rue du Faubourg-du-Temple (passage Piver) • 75011 Paris
Tél. 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com